Nazila Golestan, la porte de parole de l’association Hamava était présente le mardi 14 mars 2023 au Parlement européen à Strasbourg aux côtés de La Licra en soutien au peuple iranien à l’occasion du nouvel an iranien.
Selon la tradition de Norouz, permettez-moi de vous déclamer un vers du poète et philosophe persan Hafez
Allons ! Faisons jaillir des fleurs, versons du vin délicieux,
Crevons le plafond de l’Univers , entamons de nouveaux desseins
بیا تا گل برافشانیم و می در ساغر اندازیم
فلک را سقف بشکافیم و طرحی نو دراندازیم
Norouz « le jour neuf », célèbre le soleil au moment de l’équinoxe du printemps, le 21 mars. Cette fête prend ses origines dans l’antiquité perse et symbolise la renaissance, la lumière et la victoire du printemps sur les ténèbres.
Aujourd’hui c’est la Fête du feu, la veille du dernier mercredi de l’année perse, les Iraniennes et les Iraniens se rassemblent autour des flammes sacrées. Les femmes iraniennes ont transformé cette tradition symbolique en un acte politique et elles ont brûlé leurs voiles en les jetant dans le feu et en dansant autour.
Ce qui distingue le mouvement « Femme, Vie, Liberté » de toutes les grandes révolutions de l’Histoire, c’est son caractère féministe. Dans les mythes antiques de l’Iran, la femme est l’origine, la patrie, la naissance, la croissance et la bénédiction. Le mot femme “ZaN” signifie liberté. Cette jeunesse relie les mythes perses à notre ère. Selon le Livre des rois de Ferdowsi, l’héroïne Farangis, après la mort du héros Siyavash et les autres jeunes filles qui l’accompagnaient se sont coupé les cheveux en signe de deuil et de protestation contre l’injustice de cette mort. Ce symbole a été repris par le mouvement « Femme, Vie, Liberté » en signe de protestation contre la mort de Mahsa Amini. Les femmes iraniennes ont transformé cette tradition symbolique en un acte politique. Les femmes se sont coupé les cheveux et les hommes se sont rasé la tête et tous ont posté les vidéos de ces actes sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que ce geste hautement symbolique s’est exporté aux quatre coins du monde.
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Depuis plusieurs mois, des élèves iraniennes sont victimes d’empoisonnements à l’école. Une centaine de filles ont été intoxiquées au gaz dans plusieurs écoles du pays. Un acte barbare que les manifestants voient comme une forme de vengeance des théocrates contre les filles et les femmes iraniennes qui sont les leaders des protestations contre la mort de Mahsa.
Malgré les menaces de prison, d’intoxications collectives dans les écoles ou autres, le mouvement “femme, vie, liberté” résiste courageusement et renouvelle ses modes de revendications. Les écolières et des jeunes femmes ont publié une vidéo où elles dansent (Rema-calm Down) sans voile depuis le quartier rebelle d’Ekteban à Téhéran à l’occasion du 8 mars. Je rappelle que les femmes n’ont pas le droit de danser en public.
Les filles d’Ekbatan ont été arrêtées par les forces de sécurités, elles ont été forcé de publier une vidéo d’excuses et d’aveux forcés via la télévision publique du régime. Mais encore, les femmes résistent solidaires: elles ne s’arrêtent pas, elles ont repris cette danse partout dans le pays, nouveau symbole de la lutte contre la discrimination qu’elles subissent en Iran.
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Cela fait plus de quatre décennies que le monde est témoin du comportement délétère du régime islamique d’Iran, qui est totalement en contradiction avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Ce système politique n’a jamais respecté les différents accords internationaux, organise des élections frauduleuses, menace la région. Il fait la guerre à l’Occident, il aide la Russie de Putin à envahir l’Ukraine, rejette l’ensemble des valeurs universelles, humilie la dignité humaine et réprime de manière violente sa population.
Ce régime s’en prend particulièrement aux femmes. La révolution islamique a fait perdre aux femmes iraniennes tous les droits qu’elles avaient acquis de 1925 à 1978 et bien plus encore.
La Constitution de la République islamique est constituée sur les fondements de la Loi islamique et du patriarcat. Elle part du principe que la femme est “le sexe faible” ce qui justifie la mysogéyénie du gouvernement.
En Iran, la femme est considérée comme une citoyenne de seconde zone, elle est légalement la propriété de l’homme et doit mener sa vie en faisant bien attention de ne pas enfreindre une multitude d’interdits divers et variés sous peine de sanction allant jusqu’à la mort. Interdits économiques, interdits d’aller et venir, interdit de disposer de soi-même etc.
Laissez moi vous donner quelques exemple, non exhaustifs, des interdictions que les femmes iraniennes subissent dans leur quotidien:
- les filles et les femmes ne peuvent pas faire une demande de passeport ou sortir du territoire iranien sans l’autorisation de leurs pères ou maris,
- les femmes n’ont pas un droit égal à l’homme en matière d’héritage,
- le témoignage d’une femme n’a aucune valeur devant un juge : le témoignage de deux femmes vaut le témoignage d’un homme,
- une femme majeure ne peut pas se marier sans l’accord de son père, ou en cas d’absence du père, d’un homme de la famille
- Le mariage forcé des petites filles, qui n’est ni plus ni moins un viol de mineur, est prévu par la loi de la République Islamique et est encouragé au travers des médias iraniens.
- les femmes doivent s’habiller conformément à ce qui est édictées par les lois de la République Islamique
- Elles n’ont pas le droit de chanter ou de danser en public,
- Elles ne peuvent pas aller dans un stade pour voir un match de football par exemple,
- Elles ne peuvent pas se baigner librement là où elles le souhaitent, dans les lieux publics,
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Nous sommes face à un système politique théocratique où la corruption est institutionnalisée de manière systématique et structurelle dans tous les secteurs de la société sous l’empire du guide suprême seul aux commandes.
Chaque année, plus de 134 milliards d’euros du budget public sont alloués au financement des crimes contre les femmes iraniennes. C’est le financement de l’industrie de la répression et de la violence systématique contre les femmes.
32 institutions dépensent une part importante du budget public pour faire de la publicité et imposer le « hijab » et le contrôle des « comportements ».
Le budget de l’organisation de la promotion de la vertu et de la prévention du vice pour cette l’année est de 400 millions d’euros. Cet office est chargé de la répression et de la violence contre les femmes dans les lieux publics et même privés.
En plus de cette organisation, le vice-président de la famille présidentielle et des affaires féminines, Basij, le séminaire de Qom, l’organisation de publicité islamique, Organisation des femmes Basij, Organisation des fonds de dotation et des affaires caritatives, Organisation du Hajj et du pèlerinage, le comité de secours de l’imam Khomeini, la fondation des martyrs, ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, le global média (radio et télé) de la république islamique d’Iran, toutes font partie de la production de la violence contre les femmes, qui est devenue une grande industrie commerciale des dirigeants du régime des mollahs, pour forcer le hijab et restreindre leur comportement dans le cadre des lois de chasteté.
En plus de toutes ces institutions de répression contre la liberté des femmes et la dignité humaine, des dizaines de milliards sont dépensés chaque année dans des institutions et des publications de propagande islamique, des expositions sur le hijab et le comportement islamique à travers le pays, dont des milliers de personnes profitent financièrement.
La discrimination et l’oppression subies par les femmes durant ces quatres dernières décennies sont le symbole même de la plus grande discrimination sexuelle à l’égard des femmes dans le monde.
A juste raison, la Communauté internationale a condamné la discrimination raciale en Afrique du Sud en considérant qu’il s’agissait d’un crime injustifiable. Cette réaction mondiale a permis d’isoler le gouvernement sud-africain et celui-ci, incapable de résister à cet isolement international, a dû mettre fin à son système de discrimination raciale en 1991.
Malgré l’inscription dans la constitution d’un ensemble de lois discriminantes envers les femmes et la violence systemique de la République islamique en matière de discrimination sexuelle envers les femmes iraniennes, la communauté internationale envisage ce problème comme étant essentiellement un problème intérieur relevant de chaque Etat. Ce qui exclut pour le moment de rédiger une convention internationale spécifique ayant pour ambition de qualifier l’appartheid sexuel pour ce ce qu’il est: un crime.
Cela fait plus de six mois que nous sommes témoins de la répression sanglante des manifestations de femmes et d’hommes courageux d’Iran qui ont besoin de plus que jamais du soutien maximum de l’Europe à leur côté.
De grands enjeux géopolitiques se jouent en Europe en ce moment. C’est la guerre sur son territoire. Une guerre déclenchée unilatéralement par la Russie en envahissant le territoire souverain de l’Ukraine. Une guerre contraire au droit international. Et dans cette guerre, la république islamique soutient la Russie contre l’Europe, elle lui fournit du matériel militaire à tout le moins.
l’Europe ne doit pas fermer les yeux sur la dangerosité de la république islamique pour sa sécurité,
l’Europe ne doit pas fermer les yeux sur la dangerosité de la république islamique pour ses valeurs démocratiques.
L’Europe ne doit pas fermer les yeux sur ce qui se passe à l’intérieur de l’Iran, sur la violation systématique des droits humains et l’industrie corrompue de la violence contre les femmes .
L’Union Européenne est une entité supra-nationale démocratique puissante et respectée. En s’emparant de la question de l’aparthied fondé sur le sexe, elle ouvrira la voie à la communauté internationale sur cette question. Pour cela, l’union européenne devrait sanctionner tout système instituant l’apartheid sexuel et mettre en place un mécanisme de pression maximale sur ces institutions et toutes les personnes liées à ces institutions.
Aujourd’hui dans tous les coins de l’iran, des provinces centrales aux plus périphériques, les iranien et les iraniennes de toutes les classes sociales et de tous les milieux manifestent au péril de leur vie pour accomplir une transition non violente, de la théocratie islamique à une démocratie laïque respectueuse de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale sous le drapeau de l’Iran.
S’il vous plaît ne détournez pas les yeux de ce qui se passe en Iran, de ces Iraniens qui ne supportent plus la violence et l’impunité de l’appartheid sexuel. Ils sont devenus des héroïnes et des héros grâce au courage dont ils font preuve. Ils sont déterminés et structurés. Ils sont à l’intérieur de l’Iran et ils ont besoin de votre soutien.
Pour cela Hamava est un mouvement qui œuvre à renforcer les activistes civils, politiques et des résistants de l’intérieur de l’Iran et nous sommes ouverts à aider ceux qui veulent les aider.
Femme, Vie, Liberté
Norouz Pirouz